Toulouse et ses terrasses. Un bien bel endroit pour y trouver l’inspiration.
Surtout quand le héros de mon récit s’essaie justement au même plaisir. Scruter le va-et-vient des passants. Observer le fracas des talons sur le pavé de la Place du Cap’.
Trouver une victime.
Pour l’heure, personne ne semble se démarquer. Tous, avancent la tête baissée, d’un pas décidé. Les touristes quant à eux s’installent en mode selfie pour y déguster un bon café ou une délicieuse glace de chez Amorino. En arrière-plan, ils auront tous le Capitole, fier et silencieux. De sa pierre rose et délicate, il murmure, la nuit tombée, aux oreilles des toulousains. Rares sont ceux qui prennent le temps de l’écouter. Entre les sonneries des smartphones, les klaxons des voitures qui s’engouffrent dans le parking sous-terrain et le bip des camions de livraison qui reculent, c’est un sacré défi que d’apprécier ses mots.
Des mots, il y en a une flopée sur mon carnet. Quelque-uns se sont échappés et je vous propose de découvrir un extrait de ma nouvelle « un meurtre appliqué« .
Bonne lecture.
« Assis à la terrasse de sa brasserie préférée, Boris, jeune comédien, profitait de cette fin de journée bien chargée. Il avait enchainé trois castings, deux séances photos et quatre heures de cours de théâtre. Bien que son prénom ne laissait rien présager, Boris était du genre plutôt beau gosse. Les cheveux légèrement gominés, le jeans bien taillé et les ongles manucurés. De quoi faire bonne figure. Il n’avait pas toujours été ainsi. Adolescent boutonneux monté d’un appareil dentaire, il avait grandi avec l’idée qu’entre lui et le monde se dressait une barrière infranchissable. Lui avec son barbelé buccal et les autres avec leur aisance verbale qui les rendait si beaux. Sentir ses mots se fracasser sur l’infâme costume qui habillait ses dents, il n’en pouvait plus. C’est pour cela qu’il s’était lancé dans les cours d’art dramatique. Il voulait que les mots dansent, virevoltent et touchent le reste du monde. Il se souvenait du jour où il prononça ses premiers mots sans son appareil. C’était un jeudi pendant un cours de théâtre. Une réplique d’Hannibal Lecter : « J’ai été interrogé par un employé du recensement. J’ai dégusté son foie avec des fèves au beurre, et un excellent Chianti ». Sur la scène, ses mots avaient laissé un arrière-goût dans la bouche de ses camarades mais une délicieuse saveur dans la sienne. Il était heureux, à sa place. Il en était certain, il deviendrait comédien et croquerait la vie à pleine dents ».
Notes :
« Un meurtre appliqué « . J’ai présenté ma nouvelle au festival Quais du Polar 2016. J’ai eu le grand plaisir de terminer parmi les 5 premières nouvelles sélectionnées. Ce fut un réel plaisir de donner vie à un serial-killer toulousain pas comme les autres. Quant je vous dis qu’avec les mots on peut tout se permettre ;o)